[VENDÉE GLOBE] La vigilance au cœur d’un parcours hors normes pour Isabelle Joschke sur MACSF
Dans quelques jours, Isabelle Joschke va s’élancer sur son IMOCA MACSF pour son deuxième tour du monde en course, en solitaire, sans escale et sans assistance. Une route de 45 000 kilomètres (environ 24 000 milles) sur trois océans, et dans des contrées inhospitalières. De célèbres points de passage vont venir ponctuer cette navigation hors du commun ; des repères qui ont, au fil des siècles, alimenté les plus grands récits d’aventures et d’explorations maritimes. Mais pour pouvoir y évoluer en toute sérénité, Isabelle Joschke doit faire preuve d’une grande vigilance.
Participer au Vendée Globe est un exercice hors du commun. Outre l’aspect sportif, la nature pose son lot de difficultés. Forte de son expérience en 2020, Isabelle Joschke connaît déjà ce parcours si exigeant et les points sur lesquels il lui faudra être encore plus attentive. Golfe de Gascogne, Pot au Noir, Équateur, Cap de Bonne Espérance, Cap des Aiguilles, TAAF (Terres Australes et Antarctiques Françaises), Cap Leeuwin, Point Nemo, Cap Horn, autant de noms mythiques et redoutés qui vont ponctuer l’évolution de MACSF lors de ce tour du monde.
Du Golfe de Gascogne aux tempêtes du Grand Sud
« Le tout premier point d’attention est la sortie du Golfe de Gascogne. Il intervient dès les premiers jours de course. C’est un endroit météorologiquement très difficile. La mer peut y être très formée, le vent assez fort, le bateau subit et tape beaucoup, même si cette année les conditions devraient être plutôt clémentes. De plus il y a beaucoup de pêcheurs et de cargos. Il peut donc se passer des choses et on a vu par le passé qu'il y avait eu tout un tas d'incidents. Plus au sud, on retrouve le Pot au Noir avec ses grains violents, la foudre et les zones de calme. C’est difficile de dormir, les grains arrivent très vite et parfois nous n’avons même pas le temps de réduire la toile. On peut y perdre ou gagner des places, ce n’est pas du tout reposant. »
Cette zone de convergence intertropicale, qui se situe au nord de l’équateur, appelée plus communément le Pot au Noir, est redoutable pour les nerfs et les marins s’en méfient, car, en l’espace de quelques minutes, le vent peut passer de 0 à 35 nœuds. Une situation qui nécessite une veille constante afin d’adapter sa voilure le plus rapidement possible et de ne pas se laisser surprendre. En fonction de différents paramètres (chaleur de la mer et force des alizés), l’étendue du Pot au Noir peut varier en taille et en activité.
40 jours à dompter le vent fort
Plus au sud, dès la latitude de la pointe sud-africaine, les choses sérieuses commencent.
« Au Cap de Bonne Espérance, je suis déjà dans les mers du Sud et au sud des 40e. Quand je le croise, je fais quasiment mon entrée dans l’Océan Indien qui, je le sais, ne sera pas facile. On croise le courant des aiguilles qui génère une mer difficile. La présence des baleines ajoute une grande part de risque. Globalement, toutes les mers du Sud peuvent être dangereuses. Le principe de la navigation dans ces mers est d'aller chercher les dépressions pour aller le plus vite possible. On se retrouve de ce fait dans des endroits où la houle est puissante et le vent très fort. Donc, durant les 40 jours que durent à peu près la traversée des mers du Sud, la vigilance est quasi continuelle. »
Le Cap Horn une véritable délivrance ?
« C’est un passage attendu. Il marque la sortie du Pacifique. Il est aussi le plus extrême, il se situe au sud des 50e et effleure les 60e. Le vent est comprimé par le continent et il est encore plus fort. C’est une véritable délivrance mais je me suis rendu compte qu’il fallait encore une bonne semaine de navigation pour s’extirper des latitudes froides. J’ai connu ma plus grosse tempête dans la première partie de la remontée après le Cap Horn. Il ne faut pas croire qu’en commençant à faire route vers l’hémisphère Nord, les choses vont être plus simples. »
En 2021, en raison d’une tempête très intense, Isabelle Joschke n’avait pas pu contempler ce passage si symbolique. Elle espère bien, cette fois-ci, enfin découvrir ce mythique rocher.
« Pour moi, le Cap Horn est assez symbolique. Il y a 4 ans, je l’ai franchi à une centaine de milles dans son sud et de nuit. Je n’ai compris que le lendemain que je l’avais passé quand j’ai remarqué que la météo avait changé. D'un coup, il n'y avait plus de houle, l’ambiance et la mer avaient complètement changé. Il y a eu un gros changement dans la manière de naviguer, quand tu quittes le Pacifique et que tu retrouves cette zone Atlantique Sud, tu rentres un peu dans un autre univers.
Ce dont je rêve pour ce Vendée Globe, c'est de le doubler de jour et dans des conditions qui soient suffisamment clémentes pour que je puisse passer le plus proche possible de la Terre. J'ai vu pas mal de vidéos de skippers qui passaient le Cap de jour et je crois qu’il y a une émotion vraiment particulière. C'est ce que j'ai envie de vivre. »
L’Amérique du Sud, une très longue remontée
« Quand tu as passé le Cap Horn, tu es super content, c'est comme si, enfin, tu sortais d’un très long tunnel. Mais tu n'es pas sorti des ennuis pour autant. Il te reste quand même un continent à remonter. À partir de là, mes souvenirs sont un peu biaisés, parce que ça a été très long. J'ai mis presque trois semaines à relier le Cap Horn à Salvador. »
En janvier 2021, Isabelle Joschke a été contrainte à l’abandon à la suite d’une défaillance du système de fixation de sa quille pendulaire et a fait une escale technique à Salvador de Bahia au Brésil. Elle a tout de même pu reprendre la mer et achever ce tour du monde hors course.
« Sur ce retour vers le nord, il y a de nouveau le Pot au Noir et surtout, dans l’Atlantique Nord, le train des dépressions hivernales qu’il faut réussir à attraper pour regagner l’Europe et le Golfe de Gascogne. Je pense que cette dernière traversée du Golfe est un point de vigilance très important. »
Des appréhension légitimes
Lors du Vendée Globe 2020-2021, Isabelle avait souffert du froid et de l’humidité. L’IMOCA MACSF a donc été adapté pour éviter les trop nombreuses entrées de mer et de vent. Malgré tout, il est certain que la navigation dans le Grand Sud apportera son lot d’inconvénients. Outre ces conditions, Isabelle appréhende deux choses : être dans l’obligation de plonger sous la coque et celle de devoir monter au mât. Des exercices qu’elle a déjà expérimentés afin de se familiariser avec les techniques, mais qu’elle redoute néanmoins.
« En 2020, j'ai eu plein d'avaries, mais j'ai échappé à des gros ennuis, comme être obligée de monter au mât ou de plonger sous le bateau. S’il y a bien deux choses que j’appréhende, c’est ça. Malgré quelques entraînements, je ne suis pas très à l'aise dans l'un ni dans l'autre. » confie Isabelle.
Ces derniers jours aux Sables-d’Olonne vont être tournés vers l’analyse des conditions météo attendues au départ et lors des premiers jours de course. Il est trop tôt pour pouvoir tirer quelques enseignements des premiers fichiers mais il est certain que la météo sera au centre des discussions.
Isabelle quittera le ponton de Port Olona le dimanche 10 novembre aux alentours de 8h50 pour vivre une nouvelle fois la mythique descente du chenal des Sables-d’Olonne. Coup d’envoi de cette 10ème édition du Vendée Globe, la seconde à laquelle participe Isabelle, à 13h02.
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