L’art du positionnement aurait pu être le titre d’un célèbre livre de stratégie sur la voile. En tout cas, en ce sixième jour de course, il ne fallait pas manquer la dépression qui va très probablement permettre à Isabelle Joschke de traverser l’océan Atlantique dans le même flux dépressionnaire de sud-ouest. Quatorzième au classement général provisoire, Isabelle enchaîne les milles et tente de rester dans une zone où les conditions lui permettent de naviguer vite, sans trop tirer sur la machine et le marin. Après deux empannages effectués cette nuit, la navigatrice continue sa route plein Est avec en ligne de mire, le renforcement des conditions météo et le passage de la première porte aux Açores.

« Je trouve que le temps passe vite. J’ai pu profiter des premières journées où le bateau évoluait plein Nord vite et bien, mais depuis deux jours, les conditions sont devenues plus difficiles. J’ai eu quelques grains qui m’ont obligée à manœuvrer, et je dois dire qu’avec mon gabarit, ce n’était pas évident. Par exemple pour hisser le grand geenaker, cela me prend entre 40 et 45 minutes, et passer du grand au petit geenaker, 1h40. Il faut ensuite déplacer les voiles à l’arrière du bateau qui tape pas mal, c’est un sacré engagement. J’étais bien cramée. Je suis consciente que je n’ai pas autant de force que les autres mais je m’adapte. Il faut que je sois très méthodique dans ces manœuvres afin de ne pas m’épuiser » commentait Isabelle.

D’autant plus que les conditions météorologiques vont commencer à s’intensifier et vont demander à Isabelle une concentration et une débauche d’énergie supérieures à ce qu’elle a pour le moment déployé.

« Je tente de rester dans un flux acceptable entre 20 et 30 nœuds car, si je monte trop, le vent sera de plus en plus fort, et ce ne sera pas bénéfique pour le bateau. Il ira moins vite et enfournera. Je sais que les conditions vont se durcir, mais je m’y prépare en me préservant et en gardant des forces. Il va bien falloir négocier cette transition. Cette course est un excellent entraînement pour les deux prochaines grandes dates, The Transat CIC et le Vendée Globe. J’apprends à gagner en sérénité et en expérience. Cet apprentissage me tient à cœur et il sera primordial pour ces prochaines échéances. Je retrouve les joies de la navigation en solitaire, ça fait du bien » concluait Isabelle.

Cette route, qui semble si rectiligne vers Lorient, nécessite tout de même quelques ajustements de trajectoires avec les deux portes de passage situées respectivement aux Açores et au large du Cap Finisterre. Si ces deux portes sont très larges, elles nécessitent tout de même une anticipation dans un positionnement stratégique. A l’heure actuelle, c’est une course de vitesse qui est engagée entre l’ensemble des participants de cette transatlantique Retour à la Base et les moyennes s’affolent.

Les prochaines heures seront déterminantes dans cette course qualificative pour le Vendée Globe 2024. Isabelle devra trouver le juste milieu entre la performance et le fait de terminer le Retour à la Base sans encombre ; en d’autres termes, choisir entre maintenir sa belle place dans la flotte, mais en prenant des risques supplémentaires compte-tenu des conditions météo attendues, ou jouer la prudence en vue d’une place qualificative pour le Vendée Globe en bouclant les milles nécessaires.