Responsabilité médicale : une sévérité des tribunaux jamais atteinte

Paris, France, 23/09/2025

Lorsqu’ils sont mis en cause devant les tribunaux civils, les professionnels de santé sont condamnés dans les trois-quarts des cas. Les difficultés du système de santé (pénurie de soignants, surcharge de travail, extension des déserts médicaux) expliquent en partie cette évolution. Les indemnisations les plus élevées continuent d’augmenter avec une décision en 2024 qui accorde plus 7 millions d’euros et trois qui dépassent 4 millions.

Deux tendances inverses caractérisent le bilan annuel de la MACSF en matière de responsabilité médicale[1]. Le taux de condamnation au civil atteint un niveau inédit en 2024 alors que le nombre de professionnels poursuivis et le nombre de décisions de justice diminuent respectivement de 12% et 15%.

Pour Nicolas Gombault, directeur général délégué du groupe MACSF, « cette sévérité des juridictions civiles en matière de responsabilité médicale reflète moins une logique punitive qu’une volonté d’indemnisation des préjudices subis. Par ailleurs, la pénurie des professionnels de santé et l’extension des déserts médicaux dégradent la qualité de la prise en charge, ce qui augmente mécaniquement le risque de décisions défavorables aux praticiens. »

Un taux de condamnations civiles de 75%

Dans le cadre des procédures judicaires, le taux de décisions civiles prononçant la condamnation d’au moins un professionnel de santé a bondi de 5 points en 2024, atteignant le niveau record de 75 %
Pour ce qui concerne les procédures non judiciaires, le taux d’avis fautifs retenus par les Commissions de Conciliation et d’Indemnisation (CCI) est en augmentation régulière et atteint 45 %, son plus haut niveau. 
Quant aux décisions pénales, bien qu’elles demeurent rares voire exceptionnelles, on note que depuis quelques années, les sanctions aboutissent à des peines d’emprisonnement avec sursis, certaines d’une durée supérieure à un an, parfois associées à des interdictions d’exercice.
Les médecins représentent la majorité des spécialités médicales les plus mises en cause au civil. Les 5 spécialités les plus concernées demeurent la chirurgie, la médecine générale, l’anesthésie-réanimation, l’ophtalmologie et enfin, la cardiologie et l’imagerie médicale au même niveau. 
Au sein de la chirurgie, le trio de tête est composé de la chirurgie orthopédique, la chirurgie viscérale et digestive et la chirurgie maxillo-faciale.

[INFOGRAPHIE] Evolution des condamnations des professionnels de santé

Chez les non-médecins, les chirurgiens-dentistes dominent largement avec 83 mis en cause et 65 % de condamnation. Les autres professions (kinésithérapeutes, sages-femmes, infirmiers, psychologues) sont marginalement concernées.

Sévérité des décisions et des avis : conséquence de la dégradation de la qualité des soins ?

Nicolas Gombault, directeur général délégué du groupe MACSF, attribue le niveau inédit des taux de condamnation et d’avis fautifs à deux facteurs principaux : la sévérité des magistrats et les difficultés du système de santé.

 La sévérité des magistrats : 

  • La sévérité croissante des juridictions civiles en matière de responsabilité médicale reflète moins une logique punitive qu’une volonté d’indemnisation des préjudices subis : le droit de l’indemnisation a parfois tendance à se substituer au droit de la responsabilité

  • Parallèlement, les CCI jouent un rôle de plus en plus déterminant : leurs avis, souvent suivis par les juridictions en cas de contentieux ultérieur et basés sur l’évolution de la jurisprudence, renforcent un système qui privilégie une réparation rapide et effective

Les difficultés du système de santé

  • La pénurie des professionnels de santé et l’extension des déserts médicaux dégradent la qualité de la prise en charge, ce qui augmente mécaniquement le risque de décisions défavorables aux praticiens. Ces difficultés se traduisent par :

  • Une surcharge de travail, génératrice d’erreurs et de négligences (démarche diagnostique incomplète, absence de prise en compte des résultats d’examens prescrits, attentisme, etc.)

  • Un épuisement professionnel et des situations de burn-out avec pour conséquence des risques d’erreur.

  • La difficulté pour les patients à trouver un médecin traitant, entraînant une perte de chance en termes de coordination des soins

  • Des délais d’accès à des médecins spécialistes ou à des examens incompatibles avec l’état de santé du patient

  • Une dégradation de la qualité de la relation soignant/patient

Les motifs principaux de condamnation  

Si les motifs de condamnation sont évidemment très différents d’une spécialité à l’autre, notamment lorsqu’il s’agit de maladresses techniques, certaines situations sont récurrentes et communes à plusieurs spécialités : absence de prescription d’examens pourtant nécessaires, absence de prise en compte des résultats lorsque les examens ont été prescrits, défauts dans la tenue du dossier médical à l’origine de mauvaises prises en charge ou de difficultés pour apporter la preuve de la bonne réalisation des soins.

On retiendra pour les trois spécialités médicales les plus condamnées :
•    Pour les chirurgiens : le défaut d’information, seul ou associé à un autre manquement et la prise en charge des infections (retard de diagnostic, prise en charge insuffisante ou tardive…) 
•    Pour les médecins généralistes : le retard et le défaut de diagnostic, le plus souvent d’AVC ou d’infarctus du myocarde
•    Pour les anesthésistes réanimateurs : l’antibioprophylaxie et l’antibiothérapie (absence de prescription, erreur de dosage ou surdosage, retard de mise en route)

« La qualité de l’information du patient, la traçabilité des soins et la rigueur diagnostique sont les principaux leviers de la prévention du risque médical sur lesquels nous alertons les professionnels de santé », souligne Nicolas Gombault.

Près de 62 millions d’€ d’indemnisations civiles en 2024

En 2024, les juridictions civiles ont alloué 61,6 millions d’euros aux victimes de fautes médicales Le montant global est stable par rapport à 2023, malgré une baisse du nombre de décisions.
Cette stabilité s’explique par une hausse notable des indemnisations élevées : une décision a franchi la barre des 7 millions, trois ont dépassé les 4 millions et 83 ont dépassé les 100 000 €.

77% des indemnisations liées aux médecins

[INFOGRAPHIE] Indemnisations par spécialité médicale en 2024

Les médecins concentrent l’essentiel des indemnisations (47,5 M€). Trois spécialités — chirurgie (13 M€), pédiatrie (9,4 M€) et gynécologie-obstétrique (6,7 M€) — totalisent 61 % de ces montants. 
En chirurgie, l’orthopédie (3,4 M€) et la chirurgie viscérale (3,3 M€) dominent. En pédiatrie, bien que les condamnations soient peu nombreuses (on en compte quatre en 2024), les montants explosent en raison de préjudices lourds : deux dossiers dépassent à eux seuls 9 millions d’euros cumulés.
Chez les non-médecins, les chirurgiens-dentistes concentrent la majorité des indemnisations (1,76 M€), devant les sages-femmes (74 K€) et les kinésithérapeutes (33 K€).

Condamnations pénales rares mais sévères

Les décisions pénales sont rares mais c’est la procédure la plus redoutée des professionnels de santé. En 2024, les magistrats ont prononcé une condamnation dans 40 % des cas (4 décisions de condamnation sur 10 décisions pénales). La culpabilité de 6 professionnels de santé a été retenue dans ces 4 décisions.

Dans 8 décisions sur 10, les professionnels de santé étaient poursuivis du chef d’homicide involontaire, le patient étant décédé des suites de la prise en charge. Les condamnations prononcées ont visé deux infirmiers, un interne, un radiologue et un urgentiste, avec des peines de prison avec sursis allant jusqu’à trois ans. 
Les faits objets des poursuites ont mis en lumière des erreurs graves : un surdosage mortel de morphine lié à une double faute (prescription orale non conforme et erreur de dosage), une négligence dans l’interprétation d’un scanner et une absence de réalisation d’un geste d’urgence et des blessures involontaires et non-assistance à personne en danger lors d’une hospitalisation à domicile.

Dans 2 condamnations sur 3, des peines de prison (avec sursis) de 15 mois à 3 ans ont été prononcées. Dans ces 2 affaires, les juges ont souligné l'absence de remise en question des professionnels mis en cause.

Un taux de sinistralité global en légère baisse

Au total, le nombre de déclarations de sinistres (4 053 contre 4 267 en 2023) baisse de 5% en 2024. Dans le même temps, le portefeuille de la MACSF progresse de 2,65% avec 596 854 professionnels de santé assurés en responsabilité civile professionnelle. 
Le taux de sinistralité, c’est-à-dire la fréquence des déclarations de sinistres pour 100 sociétaires, s’établit à 0,71%. Il diminue légèrement pour la troisième année consécutive.

Les médecins généralistes en tête du nombre de déclarations

Les médecins, tous statuts et spécialités confondus, représentent 30 % du portefeuille MACSF en responsabilité civile professionnelle avec 179 815 praticiens (+ 3,07 % en un an). Ils concentrent près de la moitié de l’ensemble des déclarations corporelles reçues (45%) pour un taux de sinistralité de 1,01 % en 2024, en légère baisse par rapport à 2023 (1,10%) et nettement inférieur à celui observé avant la crise sanitaire (1,53 % en 2019).

Comme les années précédentes, trois spécialités (tous statuts confondus)  ont déclaré le plus grand nombre de sinistres en valeur absolue. Elles représentent à elles seules 45 % des déclarations des médecins :

•    les médecins généralistes (325 déclarations contre 319 en 2023), 
•    les chirurgiens orthopédiques et traumatologiques (290 déclarations contre 284 en 2023)
•    les ophtalmologistes (201 déclarations contre 224 en 2023).

Mise en cause plus fréquente pour les chirurgiens

Ces chiffres masquent toutefois des niveaux d’exposition au risque très hétérogènes chez les libéraux : le taux de sinistralité atteint 0,78% pour les médecins généralistes (identique à 2023), 47,29% pour les chirurgiens orthopédiques et traumatologiques (contre 46,96% en 2023) et 6,03% pour les ophtalmologistes (6,23% en 2023).

La chirurgie orthopédique et traumatologique figure parmi les trois spécialités libérales dont le taux de sinistralité est le plus élevé en 2024 : elle se classe en troisième position derrière la neurochirurgie, en tête avec un taux de 74,22% (67,74% en 2023) et la chirurgie viscérale et digestive avec un taux de 48,42% (56,7% en 2023). Ces taux très élevés s’expliquent par la nature des interventions à haut risque pratiquées par ces spécialistes.

Médecins généralistes : la traçabilité est essentielle

La situation des médecins généralistes est restée stable en 2024, tant en termes de nombre de déclarations que de taux de sinistralité. 

« Nous observons une tendance croissante des patients à mettre en cause quasi systématiquement leur médecin traitant dès lors qu’un événement indésirable implique plusieurs professionnels de santé», souligne le Dr. Thierry Houselstein, directeur du Comité médical du groupe MACSF.

Il observe également la stabilité des principaux motifs de réclamations par rapport à 2023 : « Les mises en cause concernent notamment des erreurs ou des retards de diagnostic de pathologies graves (tumorales, cardiovasculaires et de plus en plus d’affections neurovasculaires) ».

Concernant la prise en charge de pathologies infectieuses, « il ne s’agit pas tant de retards ou d’erreurs de diagnostic de ces pathologies que de reproches concernant la gestion thérapeutique : prescription de traitements antibiotiques inadaptés ou absence de sollicitation d’un avis spécialisé, pouvant induire de graves conséquences », ajoute-t-il

Ces motifs de mise en cause des médecins généralistes montrent l’importance d’une gestion rigoureuse du dossier médical. 

« La traçabilité est essentielle : il est impératif de consigner non seulement les éléments constatés lors de l’examen clinique, mais aussi les signes qui sont absents - ces signes dits « négatifs » - qui permettent d’écarter certains diagnostics », insiste le Dr Thierry Houselstein.  

Chirurgiens-dentistes : très exposés au risque de réclamation

« Malgré une légère baisse du nombre de déclarations de sinistres parmi les 31 000 sociétaires chirurgiens-dentistes (1 869 déclarations) en 2024 et un taux de sinistralité de 6%, soit son niveau le plus bas depuis 12 ans, (hors crise sanitaire), les chirurgiens-dentistes sont, après les médecins, les professionnels de santé les plus exposés au risque de mise en cause », déclare le Dr Henri Chanéac, directeur du Comité dentaire du groupe MACSF.

« Les mises en cause ne résultent pas uniquement d’une défaillance technique. Elles peuvent également concerner l’information délivrée au patient et la qualité de la communication. Certaines réclamations, sans erreur technique apparente, donnent lieu à des indemnisations en l’absence d’un dossier médical suffisamment complet pour justifier les choix cliniques, l’information délivrée ou encore le suivi. 
La traçabilité rigoureuse des dossiers et une communication claire, en amont comme en aval des soins, constituent des atouts essentiels pour prévenir les contestations », ajoute le Dr Chanéac.

Les autres professions : peu exposées au risque de mise en cause

En 2024, les 202 161 sages-femmes, infirmiers, kinésithérapeutes et vétérinaires assurés à la MACSF, tous statuts confondus, ont adressé 351 déclarations corporelles. Leur sinistralité est stable ou en légère baisse : le taux des sages-femmes s’établit à 0,19% (0,17% en 2023), celui des kinésithérapeutes à 0,27% (0,29% en 2023) et celui des vétérinaires à 10,33% (10,47% en 2023). 
Le taux de sinistralité des infirmiers se maintient à 0,03%.

Quant aux 45 607 autres professionnels du portefeuille MACSF (audioprothésistes, manipulateurs radio, opticiens, orthophonistes, orthoptistes, pédicures-podologues, pharmaciens, psychologues, et psychomotriciens), ils ne cumulent que 31 déclarations en 2024 (34 en 2023).

Nombre de décisions de justice et avis CCI en baisse

Le volume cumulé des décisions de justice civiles et pénales et des avis CCI  est en baisse de 9% : la MACSF a enregistré 710 décisions de justice rendues au fond et avis CCI en 2024, contre 781 en 2023. 
Cette évolution est surtout due à la baisse de 15% du nombre de décisions de justice civiles et pénales, avec 304 décisions rendues (294 au civil et 10 au pénal), comparé à 357 décisions en 2023 (346 au civil et 11 au pénal), niveau le plus bas enregistré depuis six ans.

Dans le détail, les avis rendus par les Commissions de Conciliation et d’Indemnisation sont plus nombreux que les décisions de justice, comme c’est le cas depuis une dizaine d’années. Cette procédure d’indemnisation amiable, rapide et gratuite a toujours la préférence des patients. 
Le volume des avis CCI recule néanmoins de 4% par rapport à 2023 (406 avis CCI contre 424 en 2023).

« Cette baisse du nombre de décisions de justice et d’avis CCI en 2024, s’explique par une légère baisse de la fréquence de déclarations de sinistres, ainsi que par le fait que nous gérons de façon amiable la grande majorité de nos dossiers », conclut Nicolas Gombault, directeur général délégué du groupe MACSF.


Pour aller plus loin

•    Retrouvez les chiffres détaillés pour : 40 professions de santé
•    Consulter : le dossier de presse


[1] Ce bilan présente les données relatives aux déclarations de sinistres et procédures judiciaires et non-judiciaires de l’année précédente – ici 2024 - sur la base des mises en cause de ses sociétaires professionnels de santé, assurés en responsabilité civile professionnelle.

Premier assureur des professionnels de santé, la MACSF (Mutuelle d’assurance du corps de santé français) est, depuis plus d’un siècle, au service de toutes les personnes exerçant une profession de santé en France. Elle emploie 1 700 collaborateurs et réalise un chiffre d’affaires de plus de 3 milliards d’euros. Fidèle à sa vocation de mutuelle professionnelle d'assurance, la MACSF assure les risques de la vie privée et professionnelle de plus d’un million de sociétaires et clients.  
Pour en savoir plus : macsf.fr

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