Professionnels de santé , quels aliments privilégier ? une analyse de la nutritionniste Alice Bellicha
Bien se nourrir est essentiel pour les professionnels de santé à l'hôpital soumis à des gardes de nuit et des journées de travail intenses, particulièrement en période d'épidémie de Covid-19. Alice Bellicha, diététicienne-nutritionniste, chercheure au laboratoire NutriOmique (INSERM, Sorbonne Université) et enseignante à l’université de Paris-Est Créteil, préconise un apport caloriques et nutritionnels adapté au rythme de travail. Car pour rester au sommet de leur forme, les professionnels de santé doivent apporter autant d'attention à leur alimentation que des sportifs de haut niveau. A l'image des navigateurs en solitaire autour du monde dont parle le médecin du Vendée Globe dans sa chronique santé "bien se nourir pour résister face à l'adversité".
Combien de calories brûlent les professionnels de santé en moyenne par jour étant donné leurs longues journées et le rythme auquel ils sont confrontés ?
Alice Bellicha, diététicienne-nutritionniste, chercheure au laboratoire NutriOmique (INSERM, Sorbonne Université) et enseignante à l’université de Paris-Est Créteil :
"Une étude[1] réalisée sur des infirmières américaines a mesuré la dépense énergétique au moyen de compteurs de mouvement. Les résultats ont montré que leur dépense énergétique totale au cours d’une journée de travail correspond à 1,5 fois leur dépense énergétiques de repos. Ce chiffre d’1,5 correspond à un niveau modéré d’activité physique. Toujours selon cette même étude, la moitié des infirmières atteint les 10 000 pas par jour. Il faut prendre en compte que les outils de mesure utilisés dans cette étude ne mesurent pas bien certains gestes techniques qui peuvent être éprouvants physiquement (rester debout pendant des durées prolongées, porter des charges lourdes, changer un patient, etc.). Et bien sûr, ils ne prennent pas en compte le stress et la fatigue générés par la pandémie COVID-19."
Les soignants à l'hôpital sont surchargés dns cette période d'épidémie, quels aliments peuvent-ils consommer pour retrouver de l'énergie ?
Alice Bellicha :
"A l’heure du déjeuner, les hospitaliers prennent souvent une salade ou un sandwich par manque de temps mais ce n’est pas l’idéal pour tenir le coup.
Un plat idéal serait composé d’une portion suffisante de féculent et/ou de légumes secs, de légumes, un assaisonnement à base d’huile d’olive et une portion de protéines qui favorisera l’attention pendant l’après-midi.Ainsi on peut réaliser un tupperware maison composé par exemple de semoule, pois chiches, légumes, un œuf assaisonné avec de l’huile d’olive. Cela peut aussi être des pâtes, des petits pois, du thon, des olives, ou encore un bol de soupe, du humus, un morceau de fromage et du pain au céréales.
Une pause qui donne de l’énergie, pour le goûter, avec les bons nutriments est par exemple composée d’une banane, un carré de chocolat noir et des amandes.
S’il est souvent tentant de boire du café pour se redonner de l’énergie, il faut veiller à ne pas en boire en quantité excessive. Certes, le café améliore les performances cognitives, mais une accoutumance peut s’installer, nécessitant d’en boire encore plus, ce qui peut alors perturber le sommeil. Un vrai cercle vicieux ! La recommandation est donc de limiter sa consommation à 2 à 4 tasses par jour et d’éviter d’en boire après 14h pour les personnes ayant des problèmes de sommeil."
Quelle alimentation conseillez-vous aux hospitaliers qui font des gardes de nuit ?
Alice Bellicha :
"Le travail de nuit désynchronise les rythmes biologiques et augmente le risque de surpoids, de troubles du sommeil et de maladies métaboliques. L'alimentation peut contribuer à réduire ce risque en maintenant un rythme de repas régulier de 3 repas par jour, même s’ils sont pris à des horaires inhabituels. Il est donc important de garder un rythme alimentaire structuré et de limiter le grignotage d’aliments gras et sucrés qui, même s’ils nous donnent un sentiment de « coup de boost », ne permettant pas de maintenir une glycémie stable.
Une collation peut être faite au milieu de la nuit (par exemple, 1 fruit et des amandes, ou 1 morceau de chocolat et un petit pain aux noix). L’idéal est de réguler sa consommation de café qui peut retarder l’endormissement, et enfin penser à boire de l’eau régulièrement."
Comment la nourriture aide-t-elle au bon fonctionnement des neurones ?
Alice Bellicha :
"Un régime semble bénéfique pour la fonction cognitive, c’est le régime méditerranéen. Il est riche en fibres, en glucides avec un index glycémique bas, en bons lipides, et enfin en vitamines et en minéraux antioxydants. C’est une alimentation basée essentiellement sur
la consommation de légumes, céréales et céréales complètes, légumes secs, huile d’olive, fruits, fruits à coque, poisson dont des poissons gras. Les bénéfices de ce type de régime ne concernent pas seulement la santé physique (par ex la prévention des maladies cardiovasculaires) mais aussi la santé mentale (prévention de la dépression, préservation de la fonction cognitive).
D’autres facteurs rentrent en jeu également : pratiquer une activité physique régulière, maintenir un poids stable, dormir suffisamment, et limiter sa consommation d’alcool et de tabac".
[1] Physical Activity, Energy Expenditure, Nutritional Habits, Quality of Sleep and Stress. Levels in Shift-Working Health Care Personnel, publiée en janvier 2017
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Retrouvez des informations sur la nutrition des professionnels de santé sur le site macsf
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La chronique santé du Dr Chauve sur la nutrition des navigateurs professionnels et ses l'intégralité de ses chroniques sur le site Voile MACSF